jeudi 4 novembre 2021

Préparation à la naissance

« Naissance de la vierge » (Mais "Venus Mary" c'est bien aussi)

 

Ou comment sortir Marie (et toutes femmes) du rôle qui lui a été assigné, en ignorant tout de ce qui pouvait faire d’elle une femme épanouie.

 

En la reconnectant avec sa sensualité, je nous y reconnecte toutes.

Car entre « sainte » et « pute » dans lesquelles les femmes sont souvent projetées, il manque TOUT.  

Cet héritage judéo-chrétien  a laissé dans l’inconscient collectif une image idéalisée de la femme qui doit se tourner vers son âme, ignorant son corps, sans quoi elle serait damnée.

En séparant clairement esprit et corps, l’un est devenu impure à l’autre.

La naissance de la vierge tente de réconcilier esprit et corps, avec joie, humour et poésie. 

 

Cette pièce est le résultat de 2 mois et demi de travail et de rencontres providentielles.




La première eue lieu à la galerie des office à Florence en 2019. Je rencontrais alors pour la première fois en vrai, la naissance de Venus de Botticeli. Et malgré la foule qui se bousculait pour obtenir la meilleure photo et repartir aussitôt, le temps s'arrêta pour moi, la lumière n'éclairait plus rien de ma vie que ce tableau. Notre relation intense nous fîmes nous sentir seules et intimes. Je n'étais pas préparé à cela et en fût la première surprise. Je la connaissais pourtant déjà. Mais non je ne la connaissais pas. Je l'avais vue, reproduite à outrance, je l'ai étudiée même, mais je ne la connaissais pas.

Et la vérité de son être, sa présence éclatante, drôle et mystérieuse, son aura, me percutait, me traversait, me transfigurait. Je vivais l'expérience de cette rencontre avec la matière qui porte en elle une dimension invisible, cette intention du peintre qui transfigure tout. Une intention vivante, par delà le temps.

La deuxième rencontre décisive pour cette pièce fut celle avec celui qui est maintenant son propriétaire. Il s'agissait de d'abord discuter ensemble d'une pièce de commande, et de trouver un thème sur lequel nous serions tous les deux en phase. Pour préparer cette rencontre, il m'envoya un document qui répertoriait les oeuvres qui ont été marquantes dans sa vie. J'ouvre le PDF. Première image, La naissance de Venus. Je referme le PDF. C'est bon, je sais. Ce n'est pas une coincidence, j'ai tant imaginé cette Venus Mary depuis Florence. 

Jusqu'à cet instant, je ne voyais pas qui, à part moi, pourrait être intéressé par une pièce comme celle-ci. Depuis Florence je m'interrogeais, envoyant dans les mondes invisibles cette question "qui pourrait aimer ce projet autant que moi ?"La réponse était dans ce PDF.


Cette pièce m’a permis de me dépasser et marque une étape importante de mon travail dans la confiance que j’ai gagné. 

Mais reprenons pas à pas depuis le début.

Tout d'abord, la pièce d'origine, les mains jointes. Notre dame de Lourdes est parfaite pour le rôle de Venus, ses attributs très reconnaissables lui permettrons de contrebalancer les attributs de Venus dans un combat équilibré.




La coquille Saint Jacques n'est absolument pas de la bonne taille mais restera dans le coin pour référence. Je l'utilise habituellement pour recharger mes minéraux car il parait qu'elle à une puissance vibratoire particulière, qu'elle émet des ondes à l'infini au creux de ses stries. Je trouve ça passionnant.
Petit clin d'oeil supplémentaire lié à mon histoire personnelle, la coquille saint Jacques est très présente dans ma ville de naissance qui est sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. 


J'ai aussi trouvé ce plat à la brocante et je l'ai ramené pour servir de référence également.
J'aime bien les références apparemment.
Et puis ça fait des souvenirs après.
Quand la pièce sera partie je pourrais toujours mettre des chips dedans.


Je commence à réaliser un gabarit en papier épais pour me faire une base de travail.


Je le forme en relief puis je plastifie bien l'ensemble.


Ensuite j'applique grossièrement une première couche de résine sur ce gabarit.



J'entame le décapage en attendant le séchage.


Une fois sèche, je retire la résine du gabarit.


Il y a quelques temps, j'avais réalisé un moule pour les mains de ce type de modèle.
J'avais déjà remarqué que ce modèle de sainte Vierge est un de ceux dont les mains sont le plus souvent manquantes.
Lui voilà donc des mains toutes neuves, reproduites grâce à une statue identique.



Je commence à tracer des repères pour les stries de ma coquilles.
Je les comptes parce qu'il parait qu'il en faut 12 pour créer une vibration particulière.
Et moi je la veux cette vibration particulière.



Je fais aussi vibrer ma scie mais pas pour les mêmes raisons.


Je commence à créer les stries en relief du coté creux.


Pour réaliser les stries en relief du coté bombé je perce de minuscules trous sur les limites des stries déjà réalisées, pour faire mes repères.
Ainsi la correspondance des stries sera parfaite entre les deux cotés.



Voilà les petits trous qui apparaissent coté bombé.


Maintenant c'est l'heure du jeu à point. Mais y a pas de numéros.


Je peux monter mes stries en volume maintenant.


ça manque de relief sur le bord alors je fais une petite rectification.


Et je réajuste avec de la résine.
Le creux est désormais plus profond.


J'ai dégagé tou le socle autour des petites pieds nus.



Un peu de plâtre dans une boite à gouter et une vis de charpentier offerte par un vendeur de Weldom quand je lui ai demandé le prix (c'est au kilo normalement). 
Tout ça va faire ma base pour poser ma coquille.


Le décapage de la sainte vierge d'origine continue. Ici j'en suis au ponçage.


Un petit dépoussiérage et voilà.


Encore des petits trous, mais c'est pour ma vis de charpentier.


Je fais mes premiers essais pour l'inclinaison du coquillage et la place de la vierge.
Et bien sur j'ai viré la boite à gouter.


Je repasse encore de la résine, j'harmonise les reliefs.


C'est l'heure de retrouver ses mains.


Et de retrouver un nez digne de ce nom. Avec des narines quoi.


Je lie les mains à la résine.


Je fend la robe pour apporter la suggestion d'une nudité avec un mouvement de drapé qui s'envole.


Un petit rebord se rajoute.


Je modifie le support du coquillage pour la bonne inclinaison.


Je mets des broches dans ses petits pieds. Cette broche là me permettra d'y monter un mollet et un début de genou.


J'ai regardé ma jambe et je l'ai reproduite. Je peux donc vraiment dire que ça me fait une belle jambe.


c'est le debut d'une période infernale de ponçage qui n'en fini plus.
A la main, à la ponceuse, à la Dremel.
Mais surtout, à la main, à la main, à la main.


Encore du ponçage mais la jambe cette fois.
J'ai jamais été aussi bien épilée.


Je ponce la partie retirée du voile et puis je bourre de papier la statue creuse. Il ne faut pas que la partie supérieure soit trop lourde, mais il faut que je puisse m'appuyer sur de la matière pour boucher avec de la résine.


Encore du ponçage.
Si ça continue il va falloir m'interner pour que j'arrête d'en rêver la nuit.


Non j'en peux plus de ce ponçage vraiment.



Et puis là aussi faut que je ponce. 
Mon Dieu, Sauvez moi.


Ah encore cette jambe à poncer!



Je lie définitivement le coquillage au socle.



Et je lui commence un petit bord plus sympa, qui le rend moins abrupt et plus stable.


Je continue de lier les deux morceaux.


Et là, le peux enfin commencer les vagues.
Elles vont longtemps ressembler à des feuilles de salade, c'est vrai.
Mais bientôt il y aura de l'écume.


La vague, éclaboussant de son écume le coquillage, porte l’ensemble de la pièce tout comme Venus, fut poussée sur le rivage par la mer.

L’écume représentant la semence de Zeus ayant engendré La déesse, il était important  d’y  faire figurer cet élément masculin, à la fois vigoureux et troublant, symbole de jouissance.





Je peux désormais placer la jambe à sa place.



Et l'autre petit pied va pouvoir de nouveau être fixé également.


La salade avance bien.



Ceci n'est pas arrivé par accident bien entendu :


Elle avait besoin d'une petite inclinaison pour entrer dans son rôle de Venus.

Sa tête penchée ajoute à la proximité avec le tableau et permet de détendre la posture figée de la Vierge pour se laisser aller plus facilement à la rêverie, et non pas à la foie divine. 

Elle flotte entre 2 mondes. 

D’ailleurs, fixe t’elle vraiment quelque chose ?

La rêverie vous emporte partout, tous les sens y ont leur place. 



J'ai trouvé que le petit pied droit manquait de souplesse alors j'ai corrigé ça.


Comme dans le tableau, je souhaite que l’équilibre sur le coquillage semble précaire. 

La situation semble pouvoir basculer à tout moment, ce qui semblerait une définition intéressante de la sensualité. 

Ce moment où l’on peut se laisser aller à l’émotion, réceptif aux sensations physiques, tel un orgasme.



Les plus attentifs auront notés que les nouveaux drapés de la robe, au niveau de la jambe dévoilée, ont été terminées.


J'adapte également le bord de la robe au coquillage pour que le tout s'épouse parfaitement.


Je lie la tête au cou avec la résine et crée un nouveau drapé sur lequel se posera une partie de la chevelure.



encore quelques ajustement entre coquillage et vierge.


J'installe des fils de cuivre en perçant la pièce pour servir de base à la chevelure, ainsi qu'à l'écharpe qui s'envole.


Le travail de résine des cheveux peut alors commencer.
Tout ça sans un seul bigoudis.


 A l'endroit le plus intime, la chevelure forme une boucle.
Même si désormais la main ne retiens plus les cheveux et que ce mouvement semble curieux, il est si typique de la naissance de Venus, qu'il aurait été dommage de le modifier.
Mais une petite perle va bientôt venir pour symboliser tout ça.

Il ne semble jamais y avoir de vent dans les représentations de la Sainte Vierge que l’on trouve couramment par chez nous. 

Elle semble figé dans une position rigide pour l’éternité. 

La dynamique du tableau de Botticelli étant tout autre, la rencontre des deux crée une dynamique intéressante de réponse entre les éléments de la pièces, comme un dialogue qui s’enchaine.

 A gauche, Le chapelet, une partie de l’écharpe (ceinture) et la cape forment une ligne de référence, statique, rendant le mouvement des cheveux, à droite, encore plus fort. 


Le mouvement des cheveux est souligné par le soulèvement  de la partie droite de l’écharpe.

Elle semble soudainement levée par un mouvement de vent imprévu.

Il s’agit de la symbolisation d’un élément à la gauche du tableau de Botticeli, Zéphir  le dieu du vent (sa compagne au bras), drapé de bleu, soufflant sur Venus.  Cette envolée d’écharpe en premier plan crée alors un lien entre les lignes droites de la vierge et la courbe arrondie de l’arrière plan du coquillage. 

Cela permet à notre regard de glisser sur cette courbe du coquillage pour revenir au pieds sur lesquelles ont poussé les habituelles roses d’or, mais sa jambe dénudée nous fait dévier du mystique à l’émotion sensuelle. 

D’ailleurs, n’est elle pas là, littéralement, à fleur de peau…



L'écharpe terminée et la chevelure également, je constate qu'il manque une mèche pour accompagner la transition de ce mouvement.
Me voilà donc repartie pour une nouvelle mèche.


Elle permet au regard de faire un lien avec l'écharpe.


Je rajoute quelques mèches dans le cou.





Ah! Ses cheveux !

N’est ce pas l’essentiel de cette pièce finalement ? 

Tout n’est il pas résumé ici ? 

Le reste n’est qu’appuie et accentuation.

Leur mouvement si singulier rappellera instantanément à l’observateur instruit ceux de la Venus de Botticelli. 

Les cheveux expriment ici, comme dans le tableau à mon sens, l’expression de la sensualité libérée et fougueuse.

Une sensualité spontanée tout à fait fascinante,  nous portant à considérer que la nature est parfaite. 

Alors nos corps aussi sont parfaits.

 

Nous sommes parfaites.

Nous sommes parfaits.




Alors que Venus, déesse de l’amour, nous montrait sa nudité mais cachait pudiquement son sexe avec sa main et ses cheveux, la vierge est vêtue mais ses mains en prières ne peuvent plus rien nous cacher et c’est ainsi que les  cheveux dévoilent à l’endroit le plus troublant, une perle de culture. La perle comme symbole du précieux trésor logé au cœur de  son intimité. Peut être même un peu d’auto-érotisme suggéré...


J'ai investi dans une paire de boucles d'oreilles en veritable perles de cultures, pour réaliser ce petit trésor érotique.


Les roses sur les pieds étant assez abimées, je les ai remplacé par une paire de ... boucles d'oreilles.
Oui j'aime vraiment les boucles d'oreilles.
Enfin, je veux dire, sincèrement oui. Tellement!
J'en porte dès que possible. 
Et j'en utilise dès que possible dans mon travail également.




Le travail de la salade est complexe et demande d'y retourner à plusieurs reprises.
A force d'épaissir et modifier, les vagues commencent vaguement à éclabousser.


Ont sent la fraicheur arriver.


La petite perle trouve son logis.


Je sculpte une petite mèche par dessus pour bien l'intégrer.


La pièce prend forme.
Un petit truc me chagrine.


J'ai peur que la vague soit trop fragile posée ainsi directement, c'est pourquoi je décide d'y ajouter un peut socle en bambou: un couvercle de boite de conservation de chez monop'.


J'ajoute une petite courbe en résine pour mettre en valeur la pièce.



Je retourne encore sur mes vagues. Je les lie entre elles.


Cette fois je creuse à la Dremel.



Alors là oui on s'approche beaucoup du résultat final!



On regarde encore une fois l'ensemble.



Cette fois c'est bon ?


Oui allez , c'est parti, première couche d'apprêt!


J'adore toujours autant cette révélation par le blanc.
Tout s'harmonise enfin.




Pour donner suite enfin à la joie de la couleur!

Les couleurs du coquillage ont des tonalités de peau pour renforcer la sensualité de la pièce et compenser le fait que la vierge ne soit pas nue comme Venus du tableau.

Pourquoi dénuder la vierge quand on peut simplement suggérer la nudité par une robe qui se soulève ? Ainsi la reconnaissance de l’image de Notre Dame de Lourdes est toujours présente et il ne s’agit pas d’une quelconque femme en prière nue.






Mises à part, les roses à ses pieds, les autres fleurs présentent dans cette pièce sont celle de la cape rose. Il s’agissait ici de symboliser l’élément à droite du tableau de Botticelli, Le printemps s’apprêtant à couvrir Venus de sa cape fleurie. Peut être que le printemps vient juste de déposer la cape avant de partir. vous l'avez sans doute manqué de peu.

Parmi les nombreuses variétés de fleurs présentes sur la cape originale du printemps, j’ai choisie de ne cueillir que les pâquerettes blanches, pour aller vers la blancheur virginale habituellement attribuée à la Sainte vierge.



Pour réaliser l'écume, j'ai très vite pensé à ces  micro-billes en polystyrène que j'avais utilisé pour Notre Dame du souvenir.
Ce petit coté écume moussante, me plait beaucoup.
Quand ça mousse, c'est qu'une grande force en rencontre une autre.
Un choc de titans.
Une passion.



Les couleurs pastels de la pièce ont étés choisie comme rappel de mon enfance, et de celle du commanditaire, des couleurs assez typique des années 80’s. 

Leurs teintes douces retirent la pièce d’un simple travail de reproduction couleurs du tableau et nous place ainsi dans la joie et la douceur d’un sentiment pur et rassurant. Ce saumon/jaune paille/vert sont exactement les couleurs du papier peint et des coussins du salon de mon enfance. 




2 mois et demi pour résoudre cette addition !
Mais ça valait le coup!


Pendant la réalisation de la pièce, j’ai ressenti le besoin d’écouter de la musique classique pour la première fois. J’avais le sentiment qu’il me fallait vibrer différemment. Je me suis passionnée pour « Les pêcheurs de Perles » de Bizet, puis Lakmé « Viens Malika…Dôme épais »,  L’Ave Maria de Shubert ainsi que Cum Dederit de Vivaldi.





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