jeudi 31 mai 2018

Les secrets de Maria Lisa

Le 19 septembre 2013, je vous parlais déjà d'elle, elle s'appelait alors Madame de Lourdes.
Deux mois plus tard je vous donnais à nouveau de ses nouvelles, dans la note intitulée L'expérience du vide.
Si t'es pas trop feignant tu vas cliquer sur les deux liens avant, sinon tu vas pas te plaindre que tu comprends pas de quoi je parle ensuite.
Alors, oui, je l'avais choisi parce qu'elle sonnait creux. Et, non , ce n'était absolument pas pour ce projet  de Maria Lisa.
C'était pour un autre projet de coffret-trésor-géode qui n'a pas vu le jour. Je l'avais proposé lors d'une commande mais cela n'a pas convaincu. J'ai attendu pour le réaliser et puis finalement je suis tombé par hasard sur un artiste qui met des minéraux dans des saintes vierges. Même si ce n'était pas exactement ce que j'avais en tête, c'était suffisament proche pour m'avoir démotivé.
J'ai donc rangé la petite dame.

Le projet d'associer la Sainte Vierge à Monna-Lisa m'est venu il y a bien longtemps, sans doute aux alentours de 2008. Cela m'a semblé très évident d'associer ces deux figures féminines ultra connues, ultra mystique, ultra reconnaissable par tous, peu importe votre culture. Bref deux icônes en une.

J'avais révélé ce projet à mon père qui avait sans doute été beaucoup amusé de mon intérêt pour La Joconde car depuis il découpait tous les articles concernant la Joconde et me les envoyait. C'est amusant comme beaucoup d'entre nous ont une histoire avec la Joconde, comme certains peuvent l'avoir aussi avec la sainte Vierge d'ailleurs. Jusqu'au décès de mon père, nous nous sommes envoyés de nombreux clins d'oeil autour de la Joconde.  Il avait récupéré un petit cadre de Mona Lisa qui trônait fièrement dans sa salle à manger. Le dernier jour de sa vie, j'étais venue le voir avec des chaussettes "Mona-Lisa" que je n'étais pas peu fière d'avoir dégotté. Il les a observé très amusé et m'a dit qu'en encadrant mes chaussettes je pourrais faire fortune! Notre goût pour l'absurde nous a fait conclure la conversation par l'idée que la Joconde du Louvres n'était qu'une chaussette orpheline encadrée, ayant sans doute appartenue à un géant. D'où son sourire énigmatique. CQFD.
Maintenant que papa n'est plus là, il est temps de s'occuper de Mona-Lisa.



Si j'avais eu l'idée il y a 10 ans, je n'avais pas tout à fait trouvé comment la mettre en oeuvre. J'avais le début du processus mais il me manquait quelque chose.
En effet j'avais bien pensés mélanger 2D avec une toile de la Joconde et 3D avec le corps de la Sainte Vierge. L'élément qui me manquait, c'était le cadre, je n'y avais pas songé !
Quand j'ai pensé au cadre, sans doute grâce à la conversation avec papa, ce fût tellement évident d'un coup!
Le cadre est important, car elle va justement sortir du cadre!
J'ai tout de suite imaginé comment associer les deux parties ensemble, il me fallait juste une statue coupée en deux pour pouvoir fixer le cadre. Et donc bien sûr je me suis souvenue que j'en avais déjà une!
J'ai donc ensuite mesuré le visage de cette Sainte Vierge et calculé quelle devrait être la taille de l'image entière pour pouvoir combiner les deux dans une échelle très proche.
Par chance le format carte postale correspondait parfaitement, ce qui est bien plus facile à trouver.
J'en ai acheté 2 avec des cadrages différents du tableau, car la taille du visage pouvait varier de quelques millimètres d'une carte à une autre.
L'une d'entre elle avait la taille de visage identique à celle de ma sainte vierge.
J'étais tellement excitée, comme d'habitude, j'avais envie qu'elle soit finie avant même de la commencer.
Mais j'ai dû puiser dans ma réserve de patience parce que j'avais engagé 4 pièces en même temps.

Voici la pièce, au moment de la reprise du projet.


Elle était déjà coupée en deux et avait eu un petit accident de tête lors de sa mise au placard.



Quelques petits trous pour démonter le buste.


 Hop, il n'a jamais existé, vous ne vous en souvenez déjà plus.


J'égalise,  ponce.



Le décapage de la peinture n'est pas très difficile.
Elle avait été barbouillée grossièrement de peinture glycérique, sans doute pour cacher ses accrocs.


Ensuite, je me coupe une petite tranche parce que j'ai oublié de prendre mon petit déjeuner.



La carte postale passe chez l'encadreur et reviens avec un cadre baroque et une vitre anti reflets et filtre ultra violets.

La couleur rouge sur le cadre ne me convient pas alors je reprends la dorure du cadre. Pour l'instant seulement la zone rouge, je ferais plus tard le reste.
Et puis je la mets sous cellophane pour la protéger du travail de résine qui va venir se coller sur elle.


La tranche que j'ai coupé laisse des trous sur la robe au niveau du bassin.
Ce n'était pas forcément prévu, mais c'est un bien heureux hasard, je trouve ça parfait!
Ainsi on verra aussi quelques moulures du cadre à travers la robe.


Je place mon cadre, ça me donne déjà une idée.


Ensuite je colmate l'espace entre la découpe de la statue et le cadre, avec de la résine.



Une fois que c'est fini je réalise que le tableau est un peu trop bas,. Elle a presque les seins posées sur le ventre, ce qu'on veut tous éviter.
Je casse toute la résine déjà faite et je recommence tout.
Et puis je vérifie bien que c'est droit aussi.


Dedans c'est creux.
Autant avant ça m'intéressait, autant maintenant pas du tout.
Pour solidifier et stabiliser ma pièce, je dois la combler.
J'enduis d'abord les creux avec de la résine pour éviter que la catalyse du plâtre ne fissure ma pièce existante.



Une fois remplie de plâtre, je coupe également une forme cartonnée qui sera collée à l'intérieur afin de récupérer les quelques millimètres qui manque au volume de ma statue car ils ont été mangés par la scie qui a coupé la pièce.



Les deux millimètres qui manquaient vont donc ainsi pouvoir être reformés.
En prenant soin de mettre du cellophane sur une des deux parties, je colmate les deux millimètres qui
harmonisent à nouveau les deux parties parfaitement.



Je lui perce des trous dans le dos afin d'y installer les systèmes de fixations.
Je ne voudrais pas seulement la coller, j'ai peur que dans le temps la colle fatigue.



Coucou les vis.


Coucou la photo qui s'est trompé de place.
Toi, tu dois être deux photos plus haut normalement.


Je protège mes petits trous avec du scotch, parce que lorsque je vais coller les pas de vis, j'aimerais quand même pouvoir encore séparer les deux parties.


Bon, alors je vous conseille pas de tenter cette expérience.
J'ai galéré comme pas possible. 
La colle a réussi à couler à l'intérieur du pas de vis de la vis du bas, et j'ai cru que j'allais devoir tout fracasser pour y accéder.
Il a fallu que je recommence tout, en troquant la colle pour de la résine en pâte.




Et pendant que ça sèche, j'ai plein d'autres trucs à faire.
Genre, peindre une Ronin Marie.


Ensuite je fini de m'occuper du cadre.
Je le redore entièrement à la feuille d'or pour-de-vrai-véritable-que-quand-tu-mords-dedans-c-est-pas -bon-mais-t-as-le-droit-de-le-manger-quand-même-parce-que-ça-fait-chic.

Après la pose et le temps de séchage de la colle, il faut frotter pour enlever le surplus et polir.
Là ça vole partout et t'essayes de pas penser au prix que coûte toutes ces paillettes qui vont atterrir dans ton aspirateur.


Ensuite je passe du bitume de Judée pour assombrir la teinte et créer des ombres plus prononcées dans les creux. Mais il faut absolument que ce soit sur un numéro de "Collectionneur & Chineur" avec un chevalier du zodiaque en couverture. Sinon ça marche pas. Crois-moi.


Maintenant que j'ai retravaillé mon cadre, je peux installer définitivement la carte postale à l'intérieur.
Je pars chez mon encadreur pour qu'il pose les petites pattes qui permettrons de bien fixer le dos du tableau.


Voilà enfin, ça y est !





Elle est prête à peindre!


La voici en cours de peinture. Les deux parties ne seront fixées qu'après la peinture, le vernis et l'installation du cadre.
Tu m'excuseras pour le gribouillage à gauche mais c'est pour le suspens.
Parce que je sais que tu aimes les surprises, et que tu n'as pas envie de voir la prochaine pièce pas finie. Si, je le sais.


J'ai utilisé la technique de Leonard, qui doit en être bien ravi, pour imprimer les lettres sur le socle.
Car, oui, sans me vanter, j'imprime aussi bien à l'envers que Leonard écrivait à l'envers aussi.


Ensuite on frotte avec un crayon de bois et hop c'est magique, y'a plus qu'à galérer avec ton petit poil de pinceau tordu pour repasser par dessus, puis râler et acheter un nouveau pinceau.

Et enfin, un jour, c'est vraiment fini pour de vrai!
Joie et soulagement!



lundi 21 mai 2018

Maria Lisa














Maria Lisa, 46 cm.
Staue de récupération en plâtre signée Pieraccini/ encadrement bois/ vitre anti-reflets/ feuille d'or / résine/ peinture acrylique/ articles de quincaillerie/ carte postale.

Spéciale dédicace à Leonardo.




jeudi 17 mai 2018

Histoires de ronin et samouraï

Bien entendu j'aime beaucoup associer la sainte vierge à des éléments très masculins.
 Pour moi c'est comme un plaidoyer sur l'équité, le genre et le féminisme.
Le samouraï a cet aura de formidable démonstration de pouvoir masculin.
Il ne m'en fallait pas plus pour que je m'en empare et que je me l'attribue, à travers la Sainte Vierge, mon vaisseau.
Oui, moi aussi je veux ce pouvoir, celui qu'on n'attribue qu'aux hommes, car mon éducation ne m'a pas bridée, mais la société oui, certainement.


Tout à commencé ce jour là, enfin pas tout, pas ma fixation sur la sainte vierge, ni ma collection de Barbie.
Mais pour l'association d'idées avec l'armure de samouraï, c'est le jour où j'ai visité cette magnifique expo au château des ducs de Bretagne, que j'ai eu cette révélation.



La sublime photo utilisée pour illustrer l'expo me servira beaucoup de référence.


Dans l'expo il y avait une magnifique collection d'armures, toutes différentes et incroyables.


Déjà, je prenais des photos des nouages, pour plus tard, et tentais de comprendre comment les liens reliaient les plaques de métal.



J'ai été absorbé dans la lecture de l'histoire de Tomoe Gozen, femme samouraï très célèbre au japon.


Pour ma Ronin Marie, j'ai fait beaucoup de recherches sur les représentations de Tomoe Gozen.
Estampes, statues, figurines, femme incarnant son rôle lors du Jidai Matsuri, etc...






Je me suis finalement détachée des représentations de ce personnage légendaire et historique pour rester plus dans une idée générale de armure de samouraï, sans connotation particulière, l'armure type qui habite notre inconscient collectif.

Et puis lorsque je suis tombée sur cette image, c'était réglé.
C'était très proche de ce que je voulais, hormis que je voulais une armure noire, et simplifier les nouages le plus possible, afin de ne pas surcharger le peu de parties d'armure qui sera utilisé sur la statue.


J'ai beaucoup tardé à faire cette pièce, la retardant sans cesse. Parce que je savais qu'elle serait longue et qu'il me faudrait me sentir prête pour ça.
De plus en 2014 j'avais déjà en tête la réalisation de notre dame du poulpe qui m'excitait tant, qu'elle fut ma priorité du moment.
Une fois Notre Dame du Poulpe terminée, en 2015, elle m'a tellement lessivée, qu'il m'a fallu beaucoup de temps pour m'en remettre et me sentir prête pour celle-ci.
J'ai fait semblant de l'oublier, mais elle était resté cachée dans un petit tiroir de mon bureau intérieur.
En 2016, entre deux stands de peluches kawaii et ma copine Sailor Moon, une petite piqûre de rappel m'attendait à la Japan Expo.







(photo sans trucages, bien évidemment!)

Malheureusement, la piqûre de rappel n'a pas été suffisante,mais beaucoup d'autres projets ont été réalisé comme "Ssssnake Mary", "Jeans Marie", "MOTU", "Sainte Kitsune" etc.
L' élément déterminant, c'était peu après mon voyage au japon, lorsque je suis allée voir la nouvelle expo du château des ducs de Bretagne intitulée "Les 47 Rônin".



Même si c'était une petite expo comparée à celle de 2014, c'était très intéressant, et parmi les estampes ont pouvait voir notamment ce casque de samouraï.
Ce fut le coup de foudre... et le coup de pied au cul pour commencer la pièce.



Il n'y avait que ses petites oreilles qui me chagrinait un peu alors j'ai fait d'autres recherches sur les décorations de casques.


Ainsi que sur les formes et nouages simples.


En 2014, à la boutique du château, j'avais acheté ce petit jeu magnétique, en vue de m'aider pour la réalisation de ma pièce.


C'est pas mal du tout pour comprendre comment fonctionnent toutes ces couches de métal!


Et en plus j'ai pu m'amuser à faire semblant de l'habiller, avant de décaper ma Sainte Vierge.



Au final, l'armure que j'ai réalisé ne ressemble vraiment à aucune en particulier.
C'est plus un stéréotype d'armure.
J'ai failli utiliser le blason et la corne du casque de Tomoe Gozen et puis finalement, j'ai préféré d'autres références, plus personnelles.
Ainsi la lune du casque se transforme en éclipse solaire.
Car il est vrai que mon ciel s'est assombri depuis la mort de mon papa. Mais je sais que le soleil n'est pas loin derrière et que je ne dois pas avoir peur.
Le deuil est un phénomène naturel transitoire, une éclipse... peut être un peu trop longue sans doute.
Pour les mêmes raisons, j'ai choisi comme blason sur la poitrine, le chrysanthème, car il est à la fois l'emblème de la famille royale du japon (comme le lys en France), ce qui est parfait pour la reine des cieux, et le chrysanthème représente également chez nous, même si c'est assez récent, les tombes fleuries à la Toussaint.

Et pour finir, j'ai choisi de ne pas lui faire porter d'armes.
La voici donc, cette femme samouraï sans maître, protégée, prête à encaisser, mais complètement désarmée, laissant deviner une certaine fragilité.
La cuirasse ne fait pas la dure à cuire.
Et au deuil, on est jamais vraiment préparé.