jeudi 25 juillet 2024

Il était une fois ...



La vierge au petit pois

 

Pois-triarcat ?

 

« Seule une vraie princesse peut être incommodée par un petit pois caché sous dix matelas » Ainsi s’achève le conte de « La princesse au petit pois », lu et relu maintes fois pendant l’enfance. Mais qu’est ce qui me plait tant dans ce conte ? Pourquoi pas plutôt Blanche-neige, Cendrillon ou Raiponce qui sont aussi dans « Mon plus beau livre de contes » reçu à mes 10 ans? 

Il semblerait que Hans Christian Andersen se moque ici de la manie qu’on les familles royales à se marier entre elles.

Est ce que déjà, si jeune, je ressens un fort désir de sortir de ma classe sociale pour aller chez les riches ? Aujourd’hui encore j’ai du mal à me définir comme une enfant pauvre parce que la solidarité familiale et l‘humour de ma mère  m’ont toujours protégé. Pourtant si je m’en tiens uniquement aux faits, il y a des éléments qui ne trompent pas : Se faire passer pour sa cousine pour accéder à des soins médicaux, le chauffage coupé en plein hivers, aller prendre son bain chez ses grands parents, porter les anciens vêtements de ses cousines plus jeunes, les lots de biscottes premiers prix, ta tante qui dépose une semaine de courses sur la fenêtre, ne faire aucune sortie culturelle.

Certainement qu’en dramatisant, je m’identifie à cette « jeune fille en haillons » qui se présente au château un soir d’orage. Sous ma pauvreté, qui saurait découvrir ma vraie richesse ? Je pense alors que cette découverte se trouve entre les mains d’autres que moi.

Un autre élément marquant de ce conte c’est la princesse qui n’a pas fermé l’œil de la nuit et qui est couverte de bleus au petit matin. C’est sans doute cette partie qui me touche le plus. Car être incommodée à ce point par un petit pois caché sous dix matelas me semble démontrer l’hypersensibilité de la protagoniste. Et je fais rapidement le lien entre hypersensibilité physique et émotionnelle. Cette hypersensibilité que je ne peux pas  encore définir mais qui me fait me sentir en décalage. Moi aussi j’ai des bleus. J’ai des bleus à l’âme.

Le petit pois ? Je ne sais pas ce que c’est… quelque chose de global et insaisissable que je n’arrive pas à comprendre. C’est bien plus tard que je réalise que ce petit pois ce n’est ni la famille, ni les camarades d’école, c’est plus grand encore, eux même sont pris dedans. C’est tout un système de société.

Et les bleus, j’en ai accumulé tellement, que je suis devenue entièrement bleue.

Telle une extraterrestre, je suis bleue.

Depuis ma planète, je découvre le monde des humains avec curiosité. Mais je reste une observatrice qui a du mal à s’intégrer et  à se sentir à sa place. Plus tard, l’adolescence me permet d’expérimenter mes capacités de caméléon pour tenter de passer inaperçue. 

Mais rapidement le bleu reprend le pouvoir. Parce qu’il s’agit aussi d’un super pouvoir. Le bleu n’est pas seulement souffrance, mais source de joie et de créativité salvatrice.

Je pleure plus fort.

Je ris plus fort.

 

Une étude a émis l’hypothèse qu’il pourrait y avoir 30 % d’hypersensibles.

30 %.

30% d’extraterrestres qui ont des bleus à l’âme.

En faîtes vous partis ?


(Texte écrit pour le livret de l'exposition qui eu lieu à la galerie Albane en octobre 2023)




Comme on fait son lit

La vierge au petit pois, ça commence avec une sainte vierge trouvée en brocante.
Celle là, c'est notre dame de Lourdes.


Début des travaux 17 mai 2023.

Si on a pas de lit on a pas de princesse au petit pois.
Je commence donc par là.
Les armatures en tiges acier, en partie de la récupération d'ancien étendoirs à linge, sont liés entre eux par de la résine.


Je fais un coffre en carton mousse pour avoir en gros la forme de mon lit.
La forme du lit a été déterminé par rapport aux types de lits 19ème siècle (l'époque où a été écrit le conte), dans lesquelles je me sentais comme une princesse quand j'allais chez ma grand mère.



Ensuite je coule du plâtre dans les coffrages dans lesquelles j'ai glissé les armatures.



Les 4 parties démoulées.


Un petit essai pour voir si ça marche.
ça marche.


Au revoir le socle. C'est pas pratique pour dormir!


coucou les petits pieds.


Un petit sommier en plâtre. rien de tel pour le dos.
Et un petit socle à cacher sous le lit pour porter le poids de la pièce.


Décapage, ponçage, soin du visage, avant d'aller faire dodo.



Une image ne peut pas montrer l'enfer du ponçage de ses 4 pièces de lit et ne peut pas vous dire qu'il m'a fallu aller acheter une nouvelle ponceuse.


Mais comme c'est satisfaisant quand tout s'imbrique!


Qui c'est qui a été chercher de la mousse d'isolation à Bricotruc?
Aussitôt arrivée, aussitôt découpée.



Non ce n'est pas pour cacher une courgette cette forme de découpe.
C'est pour épouser la forme du corps.


Je commence les finition en superposant de la résine.


Des tiges en acier pour supporter le poids de la pièce parce que on ne va pas compter sur la mousse isolante qui peut s'affaisser avec le temps.


Je fais des trous dans les matelas pour les passer.



Je fais des essais en rassemblant les morceaux.



Je colle les matelas.


Je coule du plâtre dedans pour que ce soit bien solide.


Je grave avec la Dremel pour aussi creuser le plâtre.




Je prend une empreinte des feuilles sur le socle.


Pour les répéter sur le lit.


J'ajoute des cabochons de roses.



Je prend également l'empreinte d'une auréole de la vierge trouvée en brocante.
Je vais l'utiliser pour entourer le petit pois, à la manière des indications sur les cartes "vous êtes ici"


Je termine les moulures en résine sur les montants du lit.


je peux ensuite fixer définitivement tous les éléments ensemble.




un petit velours dessous m'aidera à tourner la pièce plus facilement si besoin


Voilà le travail du tapissier peut commencer.


J'ai écumé toutes les annonces de matelas anciens et recents sur Le bon coin pour trouver les différents modèles que j'allais utiliser.
J'ai aussi sculpté un petit oreiller en mousse avant d'installer la princesse.


Je vous présente mon petit pois. Une épingle à couture enfoncée dans le premier matelas.


Je continue d'avancer sur les matelas.




Là je prépare sa couette.
C'est une poche plastique rempli de poudre d'alginate qui va me servir de base pour la forme.
J'ai du tricher un peu et couper un des pieds de la vierge pour que ça fasse une position plus naturelle.




Je l'installe comme une couette.


Je la recouvre de bandes plâtrées.


Un fois le plâtre sec j'enlève le sac plastique.


Je consolide l'intérieur.



Je remet à sa place et je recouvre de résine.

  


J'aime bien le petit pied qui dépasse parce que ça rend la position authentique.
Il m'arrive souvent de sortir un pied de la couette pour réguler ma température.


Je passe à la résine sur l'oreiller.


Et puis, il faut penser à l'échelle pour monter sur tous ces matelas!
Armatures en acier et plastique à maquette.


Puis résine par dessus tout ça.


Ponçage, ponçag,e ponçage.



Une vue de dos pour changer.


Je finalise le montage de l'echelle.





beaucoup de ponçages plus tard...


ça m'ennuie de la poser comme ça sur le lit.
Je vais lui faire un petit appuie intégré.



Et puis je mets des petites roses partout, comme sur le lit, car c'est la fleur de la vierge Marie.



Maintenant on passe au doudou dans le lit. Alors j'ai beaucoup de chance car mon doudou d'enfant a été conservé malgré toutes ces années. Je vous présente Lavande. Je lui ai fais son petit double en résine.



Il est fixé avec une vis, pas question qu'il s'échappe la nuit.


Maintenant je vous présente mes sandales d'intérieur.



Pareil on va les faire en miniature pour le coté vivant de la scène, on pourra ainsi imaginer Marie en train d'enlever ses sandales à la va vite pour aller se coucher, morte de fatigue.










On notera qu'elle les a enlevé une fois assise dans le lit, histoire qu'elles soient dans le bon sens pour repartir. Ah vraiment, elle pense à tout!


Je fignole l'oreiller et la couette prise dans les mains comme si elle la tirait.



J'installe l'auréole d'indication d'emplacement du petit pois. 




Voilà la sculpture et le modelage de la pièce sont terminés.








La couche d'apprêt qui uniformise et révèle le travail.








C'est parti pour la couleur, un très gros travail m'attend.
Mais comme elles me font du bien ces couleurs, j'adore tellement.





Petite retouche pour texturer d'avantage le bois du lit.


Premier essai de nuages.
Ah non ça ne vas pas comme ça.


Ah voilà!
ça fait plus motifs de housse de couette !




Fin des travaux 14 septembre 2023, 4 mois après la réalisation des montants du lit!
Faut être très patient pour aller se coucher des fois!