dimanche 7 avril 2019

Naissance de la créature

Connaissez vous La fiancée de Frankenstein?
Ce film fait suite à Frankenstein.
Lui même tiré du célèbre roman Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley.
Un autre Docteur fou parvient à contraindre le Docteur Frankenstein à créer une compagne pour l'horrible créature.
Mais la promise, horrifiée par le monstre, refuse le rôle qui lui a été assigné.



Coiffée d'éclairs blancs,  bras recouverts de bandelettes, vêtues d'une robe virginale, le personnage de la fiancée est admirablement interprétée par Elsa Lanchester.
Pourquoi ne pas m'intéresser d'avantage à l'image du monstre de Frankenstein ?
Avec son joli teint verdâtre, ses gros vis en travers de la gorge et ses agrafes sur son front proéminent, cela pouvait être tout aussi intéressant.
Mais ce monstre est effrayant, c'est un froid meurtrier qui souhaite détruire son créateur.
Dans le deuxième film, on entrevoit plus d'humanité chez lui, si bien qu'on fini par souhaiter son bonheur malgré tout.

Mais je préfère me pencher sur la fiancée, sorte de Eve créée pour Adam. 
L'accessoire de l'homme.
Créée pour son plaisir.

Mais elle est horrifiée et le refuse.
Je ne peux qu'adhérer.

Je ne peux m'empêcher d'y voir une interprétation du féminisme de Mary Shelley, dont la mère était philosophe féministe, et le père ouvertement contre le mariage, ce qui n'était pas rien au début du 19ème siècle.

De plus la chevelure exagérément proéminente de la fiancée est parfaite pour cette sainte vierge dont le patriarcat catholique (un pléonasme?) cherche à cacher la chevelure depuis des siècles et des siècles.
La chevelure, ce symbole de la séduction et du désire.
Elle aura le cheveux libre donc.

Je suis allée dans ma réserve trouver la plus parfaite des créatures parmi ma centaine de pièces disponibles.
Quand je l'ai vue, elle m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit:
"Fais de moi ta créature, ta création.
Et comme tu dis que tu parles souvent de toi à travers moi, tu te créeras donc toi même.
Ainsi tu pourras exprimer que tu n'es pas qu'une créature, tu n'es l'objet de personne. Car tu es aussi ton propre Créateur. Car toi-même tu es celle qui créé ta propre vie. Tu choisis, sans attendre d'être choisie. Créateur et créature ne font plus qu'un."




Je lui ai répondu:
"Ok laisse moi aller chercher du vinaigre blanc et du bicarbonate de sodium, et je vais me créer moi même"
Dire que les gens ignorent que c'est si simple d'être leur propre créateur, alors qu'ils ont les ingredients dans le placard de l'évier de la cuisine...


Et la voici décirée. Et non pas déchirée. C'est pas son genre.


Je crois qu'elle a le sens de l'humour.
Moi j'ai certainement de l'humour, mais je ne sais pas dans quel sens.


Je commence timidement quelques petites réparations à la résine.


Puis je dépasse ma réserve habituelle et j'y vais avec fougue.
Je la dé-voile.


Je lui invente une nuque.
Nuque.
Ce mot m'apparaît soudainement affreux comparé au potentiel érotique de la zone concerné.


Je me crée coiffeuse.
Je suis joueuse.
Je mise en plis.


Je marque quelques repères au crayon pour entamer une grande transformation.


Je dé-cape ses bras.
Je crée la chair.





 On savait tous qu'elle avait des mains, maintenant on sait qu'elle a des bras.
 Je les ai trouvé.


Je reprends mon rôle de coiffeuse.
Je délimite la zone d'implantation capillaire et réalise un premier postiche comme base de travail.
Je profite d'un excédent de résine pour terminer la cape au niveau de l'arrière des épaules.



ça lui donne un petit coté Nefertiti comme ça non?



On va rester dans la référence égyptienne avec les bandelettes.
Je n'ai pas la connaissance des embaumeurs de l'antiquité alors 
ce sera sans onguents mais avec de la résine.


Je dessine les bandes avant de les sculpter dans la couche de résine solide.





Ensuite il faut poncer minutieusement chaque bande.



Je reprends ma base Néfertiti, et je plaque des bandes de résines que je fais onduler pour commencer à donner un mouvement à cette chevelure folle.


Néfertiti se change alors en Marie-Antoinette.
HOP!


Je suis chagrinée par sa poitrine prépubère qui ne colle pas avec son coté fiancée. Car cette créature est mature. C'est le fruit d'une longue réflexion. J'ai 42 ans, merde! 


Heureusement, la résine peut tout arranger.
Même un 85 A en 85 C.
Le silicone c'est surfait.



Je lui dessine ses petites vagues si typique sur les cotés de sa crinière.
Parfaitement asymétriques. 



Puis je commence à les sculpter.


J'attaque le reste de la chevelure.
Je sculpte mèche par mèche les petites ondulations.



Quand c'est fini, je me dis que ça commence à ressembler à quelque chose. 
Enfin.



Vu du dessus, On passe de Marie-Antoinette à nid de guêpes.
Vu que ça ne produit pas de miel, ça ne m'intéresse pas de le garder comme ça.


J'y reviendrais plus tard. 
Pour l'instant il faut déjà poncer toutes les petites mèches sculptées.


Le résultat est un peu trop bien brossée.
J'ai été une coiffeuse trop consciencieuse.
Je dois ébouriffer tout ça.


Je modèle une deuxième couches de mèches, afin d'obtenir un résultat plus volumineux.
D'autres aurait choisi un shampoing volumiminatisateur.

C'est également le moment que je choisis pour la scarifier.
Non pas que je veuille lui faire du mal.
Mais elle voulait qu'on voit qu'elle s'était créée de toutes pièces.
Cela donnait une meilleur idée du processus d'auto-construction, exprimant les choix que nous faisons.
Je n'ai pas voulu la décevoir.

On a la chance d'avoir de très belle photos du maquillage de la fiancée de Frankenstein.
Dont ces incroyables cicatrices.







Sur la photo suivante, on voit bien la différence de travail avec la superposition des mèches, entre la droite et la gauche.


La chevelure est enfin terminée, mais un doute m'assaille et j'y pense la nuit, ce qui n'est pas bon signe.
Me connaissant ça va tourner en boucle.
Mais les boucles, les mèches, tout ça, j'en peux plus, ça fait deux semaines que je suis sur les cheveux!


Alors voilà, je me méfie du poids de la chevelure son son petit cou dénudé en plâtre.
Je décide donc de l'opérer d'urgence pour lui installer une petite barre en aluminium afin de l'aider à soutenir son postiche.


Elle a plutôt bien cicatrisé avec la résine.


Un dernier petit ponçage pour uniformiser tout ça.





Ah oui j'oubliais, j'ai modifié le socle pour accueillir une petite plaque que j'ai fait gravé.
Ainsi, dans son nom il y aura la référence à Frankenstein (le créateur de la créature) et puis même à Mary Shelley (la créatrice du créateur de la créature), d'où le Y à Mary.


Je peux désormais appliquer les premières couches d'apprêt.




Le film en noir et blanc est prêt à se dérouler.